Alors que le nombre de plaintes concernant des viols ou des agressions sexuelles augmente dans le sillage du mouvement de libération de la parole, les parquets estiment que 61% des mis en cause sont "non poursuivables".

Nouvelle enquête dans l'affaire Patrick Poivre d'Arvor pour "viol", mise en examen de Yannick Agnel pour "viol et agression sexuelle sur mineure", ouverture d'une enquête préliminaire pour "viol" et "agression sexuelle" visant Nicolas Hulot… Les affaires de violences sexuelles se succèdent au fil des semaines.

Dans le sillage du mouvement #MeToo, les victimes, dont 87% sont des femmes (PDF), se saisissent des médias, mais aussi de la justice, pour rompre le silence dans lequel elles se murent parfois pendant de longues années. Ainsi, en 2019, 56 000 plaintes pour violences sexuelles ont été déposées, soit 2,4 fois plus qu'en 2010, relève l'Insee dans son étude "Sécurité et société" parue en décembre. Une hausse, "plus marquée depuis 2018", que l'institut de la statistique attribue directement au contexte de "libération de la parole".

Reste qu'''à l'autre bout de la chaîne pénale, il y a très peu de condamnations", déplore auprès de franceinfo Isabelle Steyer, avocate spécialiste des droits des femmes et des enfants victimes de violences. En 2020, les parquets ont estimé que 61% des mis en cause identifiés dans ces dossiers étaient "non poursuivables", détaille la lettre de l'Observatoire des violences faites aux femmes publiée en novembre (PDF). Les plaintes sont majoritairement classées sans suite dès le stade de l'enquête préliminaire, en raison d'une "infraction insuffisamment caractérisée". Autrement dit, faute de preuves.

Ces classements peuvent en partie s'expliquer par la spécificité des affaires de violences sexuelles, qui se déroulent souvent à huis clos, sans témoin direct. En outre, "très souvent", l'absence d'"éléments matériels" et les "souvenirs imprécis de la victime" ne "permettent pas au procureur de considérer que les éléments constitutifs de l'infraction de viol ou d'agression sexuelle [la violence, la contrainte, la menace ou la surprise] sont réunis", justifiait le ministère de la Justice en 2018 (PDF).

"Le viol est le crime le plus difficile à prouver", rappelle Véronique Le Goaziou, autrice de Viol : que fait la justice ? (Presses de Sciences Po, 2019). La sociologue s'est plongée dans "des centaines de dossiers judiciaires" pour comprendre en détail ces classements sans suite. "Le cas le plus typique, ce sont les affaires où les plaignantes sont dans l'incapacité de produire un récit suffisamment élaboré des faits parce qu'elles avaient bu ou étaient sous l'emprise de stupéfiants", expose la chercheuse.

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