«L’enfant, du latin «infans» est celui qui ne parle pas encore» (cité par Gabel, Lebovici, Mazet et Fleurus, 1996, p.40). Cependant, les enfants qui vivent au sein d’un environnement familial où règne la violence conjugale, endurent, observent ou entendent la majorité des actes de violence qui se manifestent dans leur foyer et apparaissent en être conscient. Ils sont des victimes indirectes.
Ce climat de conflit, de stress et de menaces engendrés par les violences, génèrent des conditions lesquelles sont défavorables au bon développement des enfants. Effectivement, l’état actuel des connaissances ne laisse plus aucun doute sur la gravité des conséquences sur le plan psychologique et comportemental des enfants témoins d’actes de violence familiale, ainsi que sur les effets nocifs sur leur développement social et scolaire (Hughes, 1988 ; Sudermann et Jaffe, 1998 ; Peled, Jaffe et Edleson, 1995). Même si les enfants ne sont pas l’objet de ces violences, les enfants témoins d’actes de violence n’en restent pas moins des victimes. De plus, l’enfant se révèle parfois être le complice, le témoin ou la cause de cette violence. En effet, il peut être l’objet de menace et de chantage. Ainsi, le retentissement de cette violence sera d’autant plus important lorsque l’enfant est la cause du conflit. Ces conflits peuvent éclater à propos de l’éducation de l’enfant lui-même.
Par conséquent, il semble essentiel de s’interroger sur la manière dont ces enfants assument cette situation, quel modèle de sécurité et quelle image du couple perçoivent-ils ? Enfin, quelles conséquences la violence conjugale peut-elle avoir sur le développement affectif, cognitif et comportemental de ces enfants issus d’une mère battue? De nombreuses recherches ont alors évalué dans cette direction, l’impact de la violence conjugale sur les enfants. Ainsi, dans cette recherche, nous tenterons de mettre en évidence les conséquences psychologiques, émotionnelles et comportementales que peut avoir la violence conjugale, sur les enfants.
Les conséquences psychologiques et comportementales de la violence conjugale
Lors des scènes de violence du couple, les enfants adoptent diverses attitudes : la fuite, l’observation silencieuse ou l’intervention. Ainsi, selon Henrion, (2001) : « ils développent un fort sentiment de culpabilité, d’autant plus que le père les utilise comme moyen de pression et de chantage. Ils ont parfois un « comportement d’adulte » et peuvent se sentir investis d’un rôle de protection vis à vis de leur mère » (p.29). En effet, l’enfant prend parti parfois pour l’un des deux parents.
De ce fait, les conséquences psychologiques et comportementales de la violence conjugale se révèlent être multiples :
– Les enfants qui ont été témoins de la violence conjugale infligée à leur mère par leur père ou le partenaire de leur mère sont fréquemment atteints du syndrome de stress post-traumatique. Les symptômes de ce syndrome incluent notamment :
. La reviviscence de l’événement traumatique ( sous forme de cauchemars, de pensées, d’images importunes déclenchées par certains signaux ou de flash-back). . La peur, l’angoisse, la tension et le sentiment d’être toujours sur ses gardes.
. L’irritabilité, les difficultés à s’endormir et à se concentrer, les crises de colère et d’agressivité.
. Les efforts en vue d’éviter tout ce qui pourrait rappeler les agressions.
L’état de stress post-traumatique est défini par le DSM IV ( Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder, 1996), comme l’exposition d’un sujet à un événement traumatique. « Le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de graves blessures ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée. La réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur. Chez les enfants, un comportement désorganisé ou agité peut se substituer à ces manifestations. » (p.209). D’autre part, selon Henrion, (2001), les enfants témoins risquent davantage d’avoir :
– Des troubles du comportement et de la conduite lesquels se traduisent par des conflits violents avec leurs pairs, le non-respect des directives données par des adultes, un instinct de destruction, affrontement avec la police… L’atmosphère de violence qui règne au sein du foyer, la terreur provoquée par cette violence perturbe l’enfant et peut engendrer : un désintérêt ou un surinvestissement scolaire ; agressivité et violence ; fugues et délinquance ; conduites addictives et toxicomanies ; idées et tentatives de suicide.
– Des troubles psychologiques lesquels se manifestent par des troubles du sommeil, cauchemars ; des troubles de l’alimentation ; anxiété, angoisse ; état dépressif. Effectivement, les enfants ayant été témoins de la violence subie par leur mère ont tendance à être plus déprimés, à se replier sur eux-mêmes et avoir peu d’estime d’eux-mêmes.
– Des troubles psychosomatiques: le manque de soin ou le traumatisme psychologique provoqué par les violences occasionnent des troubles sphinctériens à type d’énurésie ; des retards staturo-pondérals ; des troubles de l’audition et du langage ; des infections respiratoires à répétition.
– Des lésions traumatiques lesquelles se traduisent par des blessures accidentelles c’est à dire des coups reçus qui à l’origine n’étaient pas destinés à l’enfant ; des violences intentionnelles. Ces lésions traumatiques se produisent que l’enfant soit utilisé comme moyen de pression ou qu’il soit lui-même victime de violence de la part de l’un de ses parents. Ainsi, les blessures produites peuvent être de tous types et de localisations diverses.
Dans une étude, analysant des enfants ayant vécu dans un climat de violence familiale (comme victime ou spectateur) et des enfants issus de famille sans violence familiale, Hughes, Parkinson et Vargo (1989), ont mis en évidence un plus haut niveau de détresse et de trouble du comportement chez les enfants ayant été à la fois victimes et témoins de violence parentale. D’autres auteurs comme Reynolds, Wallace, Hill, Weist et Nabors, (2001), ont montré qu’un nombre élevé de symptômes indiquant la présence d’un stress post-traumatique s’associe à un plus grand nombre de symptôme de dépression ainsi qu’à une faible estime de soi chez les garçons qui ont été témoins de violence conjugale.
La violence conjugale apparaît avoir des effets destructeurs pour les enfants qui n’en constituent pas la cible intentionnelle. Ainsi, les enfants exposés à la violence peuvent ressentir de graves difficultés émotionnelles, scolaires, développementales ainsi que comportementales.