Depuis quelques années, le mot "féminicide" est de plus en plus employé, dans la presse comment en politique. Entré dans le langage courant mais pas dans le code pénal, il désigne le plus souvent le meurtre de femmes victimes de violences conjugales. Sa définition va bien au-delà.
En France, on dénombre au moins 665 féminicides depuis le début du mouvement #MeToo, en octobre 2017. Ce décompte du collectif féministe Nous Toutes, recense depuis 5 ans les femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, mais pas seulement.
En titre des articles de presse, sur les plateaux télé pendant les débats politiques, le terme "féminicide" a été propulsé dans notre langage courant. Un enrichissement du vocabulaire qui résulte d'un phénomène de société majeur, nécessitant une considération spécifique.
"Le 'féminicide' se définit comme le meurtre de femmes ou de filles en raison de leur sexe, parce qu’elles sont des femmes, parce qu’elles sont des filles. Ce terme qualifie des crimes qui s’inscrivent dans un continuum de violences faites aux femmes (économiques, physiques, administratives, psychologiques, sexuelles…)", définit un rapport d'information à l'Assemblée nationale sur la reconnaissance du terme de "féminicide", diligenté par la députée LREM Fiona Lazaar en février 2020.
Aujourd'hui, l'emploi du terme n'est plus seulement symbolique, estime le rapport de la délégation aux droits des femmes. "Son usage politique, médiatique et institutionnel aussi large que possible [...] est indispensable pour montrer clairement le problème des féminicides en France et ne pas nier cette réalité."
Pour l'heure, le mot n'est pas cependant pas reconnu par la justice, ni inscrit dans le Code Pénal.
Féminicide : un mot, des définitions multiples
Le terme "féminicide" est employé depuis peu, mais son origine remonte aux années 1990. Il a été théorisé par les autrices et sociologues américaines Jill Radford et Diane Russell dans leur ouvrage Femicide : The Politics of Woman Killing .
Il s'agit de la contraction entre les mots en anglais "female" et "homicide". Son emploi se développe "d'abord en Amérique Latine où les femmes, notamment à la frontière mexicaine, étaient alors tuées par dizaines, chaque jour, dans la rue, parce qu'elles occupaient l'espace public", précise l'avocate Isabelle Steyer.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) distingue 4 cas de féminicides :
- le féminicide "intime", commis par le conjoint ou l’ex-conjoint de la victime ;
- le crime d’honneur : meurtre d’une femme accusée d’avoir transgressé des lois morales ou des traditions (adultère, grossesse hors mariage...) ; le meurtrier peut être un homme ou une femme de la famille ou du clan ;
- le féminicide lié à la dot, c’est-à-dire le meurtre de jeunes femmes par leur belle-famille pour avoir apporté une somme d’argent insuffisante lors du mariage ;
- le féminicide "non intime", commis par une personne qui n’est pas en relation intime avec la victime.
En France aussi son utilisation fait référence à plusieurs situations. Pour la porte-parole de l'association Osez le Féminisme, Daniela Levy, un féminicide "est le fait de tuer une femme ou une fille parce que c'est une fille ou une femme : un meurtre en raison du genre".
Début 2022, il est à ce titre reproché aux bénévoles du collectif Féminicides Par Compagnons ou Ex de ne pas prendre en compte les femmes transgenres assassinées dans leur comptage. Ce que celles-ci démentent. L'occasion pour différentes militantes féministes de remettre plus largement en cause le recensement des femmes tuées uniquement par le prisme des violences conjugales.